I - SURVEILLANCE MÉDICALE
Le décret n° 2003-296 du 31 mars 2003 relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants (art. R 231-73 à R231-116 du Code du Travail) est venu modifier les mesures de surveillance médicale des travailleurs concernés (catégories de salariés, fréquence des visites médicales, contenu du dossier médical et durée de conservation, carte individuelle de suivi,…). L’arrêté d’application fixant les recommandations du suivi médical ainsi que les instructions techniques adressées au médecin du travail doit paraître prochainement (cf. chapitre précédant).
L’arrêté du 28/08/91 reste toujours en vigueur et qui fixe encore les recommandations faites aux médecins du travail chargés de la surveillance des travailleurs soumis aux rayonnements ionisants (RI).
A – Surveillance médicale spéciale (catégorie A et B)
Elle comporte :
• un examen avant l'affectation en zone contrôlée ou surveillée, qui doit être effectué même pour les travailleurs déjà employés dans l’établissement,
• des examens périodiques destinés a vérifier l'absence de contre-indication à l'affectation au travail exposant aux rayonnements et dont la périodicité ne peut excéder 1an,
• des examens occasionnels : en dehors des visites périodiques, l’employeur est tenu de faire examiner tout travailleur s’étant absenté pour cause d'accident du travail, de maladie professionnelle ou pour toute autre maladie si l'absence a duré plus de 21 jours.
Les éléments médicaux concernant l'aptitude et les résultats d'examens complémentaires (dont la dosimétrie) doivent être consignés dans un dossier médical spécial annexé au dossier médical habituel, et dont la tenue est sous la responsabilité du médecin du travail. Il doit être conservé au moins 50 ans après la fin de l’exposition.
Pour faciliter sa tache, le médecin dispose :
• d'une fiche de nuisance mentionnant : la nature des travaux effectués, la nature des rayonnements, la durée des périodes de travail exposant aux rayonnements, l’exposition à d’autres risques ou nuisances d’origine physique, chimique, biologique ou organisationnelle,
• d'une fiche d'irradiation mentionnant les dates et les résultats des mesures des équivalents de dose reçus par les travailleurs,
• de la carte individuelle de suivi médical: elle est remise par le médecin du travail à tous les salariés de catégorie A et B. Son contenu et les modalités de délivrance vont être précisé dans un arrêté à venir.
B - Contenu de la surveillance médicale
L'interrogatoire recherche des antécédents personnels, familiaux et professionnels pouvant faire courir un risque particulier au travailleur du fait de son affectation en zone contrôlée, en particulier :
• une affection familiale héréditaire,
• toute affection ayant un retentissement hématologique ou susceptible d’être en relation avec une exposition aux RI ou pouvant être à l’origine d’une contre-indication médicale au poste exposant aux RI (affections néoplasiques, perforation tympanique…),
• l’estimation des équivalents de doses antérieurement reçues pour des raisons médicales ou professionnelles : pour une période donnée de la vie professionnelle, si on ignore l’équivalent de dose cumulée, il faut le considérer égal à l’équivalent de dose maximale admissible pour cette période.
L'examen clinique recherche :
• toute cause possible de modifications de l’hémogramme : état infectieux, parasitose, traitement médicamenteux, tabagisme important...
• tout motif d'inaptitude.
L’examen hématologique n'est plus systématique lors de chaque examen, comme par le passé. Il comporte : une numération des hématies, une numération des leucocytes, une formule leucocytaire, la recherche de cellules anormales de la lignée blanche et de la lignée rouge, le dosage de l’hémoglobine et la détermination de la valeur globulaire. Ces valeurs sont a comparer aux valeurs de références données en appendice II de l’arrêté du 28/8/91.
Il est complété, si besoin, par : une numération des plaquettes, la détermination de l’hématocrite, les tests hémostatiques et un bilan hépatique et rénal (à l’embauche).
Pour les travailleurs soumis à un risque de contamination interne, une radiographie des poumons doit être effectuée. Il peut être utilement complété par des épreuves fonctionnelles respiratoires.
Dans le cadre de la surveillance médicale des salariés, le médecin du travail est destinataire des résultats de toutes les mesures ou contrôles qu’il juge pertinents pour apprécier l’état de santé des travailleurs. Le médecin du travail peut solliciter tout avis complémentaire (ORL, ophtalmologique, dermatologique) qu'il juge nécessaire en fonction des risques et des critères d'inaptitude. Le dépistage de la cataracte et d’une perforation tympanique est resté traditionnel avant toute première exposition au risque d'irradiation externe.
C - Interprétation des résultats
1 - Principes généraux
Il est essentiel de différencier le risque d'irradiation de celui de contamination qui implique des motifs d'inaptitude médicaux plus nombreux. Ce dernier risque n'existe en principe que lors de la manipulation de sources non scellées.
- Motifs d'inaptitude
• Sang
Sont considérés comme inaptes, les travailleurs chez lesquels sont constatés d'une façon répétée les résultats anormaux par rapport aux valeurs de références de l’arrêté du 28/8/91 et tout autre signe susceptible de traduire une anomalie hématologique congénitale ou acquise, en ayant recours si nécessaire, à l’exécution d'un myélogramme et aux divers tests hématologiques complémentaires. Dans chaque cas, le médecin du travail devra apprécier s'il ne s'agit pas d'une variation liée au sexe ou constitutionnelle, en tenant compte, en particulier pour les taux extrêmes de polynucléaires neutrophiles, du nombre absolu de ces éléments.
• Téguments
Les lésions des téguments peuvent constituer une contre-indication à l'exposition aux risques de contamination externe : il faut tenir compte du siège, de l’étendue et du caractère évolutif des lésions. En cas de manipulation de sources non scellées, toute solution de continuité est une porte d’entrée potentielle à une contamination interne. L'apparition de troubles cutanés imputables aux rayonnements est une cause d'inaptitude, au moins temporaire.
• Appareil respiratoire
Tous les sujets présentant une atteinte respiratoire ayant un retentissement fonctionnel risquant d'augmenter leur vulnérabilité à la contamination radioactive ont une contre-indication médicale.
• Nez, gorge, oreilles
Eliminer tout porteur d'affection entraînant un danger d'accumulation de poussières radioactives dans une cavité close (état dentaire !). A cet égard : otorrhées, sinusites chroniques, perforations tympaniques doivent entraîner une inaptitude médicale au moins temporaire.
• Yeux
Les plaies oculaires constituent un motif d'inaptitude médicale temporaire. La cataracte, les opacités cristalliniennes ainsi que l'hypertension oculaire permanente sont des contre-indications médicales. Pour certains travaux (télémanipulateur, microscope, travail en boite à gants ...), d'autres troubles peuvent constituer une contre-indication : amblyopie, dyschromatopsie, absence de vision stéréoscopique.
• Système nerveux
Doivent être considérés comme cause d'inaptitude médicale relative, dont il appartient au médecin du travail d’apprécier l'importance en fonction du poste de travail :
* tout risque de perte de connaissance (épilepsie en particulier),
* toute affection psychique sérieuse risquant d’entraîner des troubles graves du comportement,
* les états anxieux caractérisés (notamment pour les travaux en caisson ou comportant l'emploi de masques, de gants ou de vêtements protecteurs).
• Appareil digestif
Seul le risque de contamination est à considérer et pose un problème dans toutes les affections entraînant une solution de continuité de la barrière toxicologique.
• Foie et reins
L'atteinte des fonctions de détoxications hépatique ou rénale constitue une contre-indication médicale au risque de contamination. Leur mise en évidence peut exiger le recours aux tests biologiques permettant de faire un bilan hépatique ou rénal.
• Appareil cardio-vasculaire
Les affections qui peuvent entraîner une insuffisance cardiaque ou un danger de syncope peuvent constituer un motif d'inaptitude médicale relative.
• Endocrinologie, nutrition
Le diabète grave, mal équilibré, est en principe une contre-indication médicale au travail en zone contrôlée. Certains goitres nodulaires peuvent également constituer des contre-indications, en raison du danger particulier de contamination par l'iode 131 (cancer traités par de l’iode radioactive).
• Grossesse
Les femmes en âge de procréer doivent être informées de l’intérêt qu'il y a, en cas de grossesse, de la déclarer le plus tôt possible. Dès que la grossesse est reconnue, l’intéressée ne peut être maintenue en zone contrôlée exposant à une irradiation de l'abdomen par des rayons pénétrants que si cette irradiation est telle que l’équivalent de dose reçu entre la déclaration de la grossesse et l'accouchement est inférieur à 10 mSv (2/10° de la dose maximale admissible).
Les femmes allaitant ne doivent pas être maintenues à un poste exposant à un risque d’incorporation de radio-nucléides.
• Antécédents d'irradiation
Il faut tenir compte des irradiations antérieures, professionnelles ou non, qui sont susceptibles d’accroître de façon notable le risque d'apparition d'une affection grave.
- Motifs de “ mise en observation ”
Sont mis en observation les sujets pour lesquels l'un quelconque des motifs d'inaptitude est à la limite de ce que le médecin peut raisonnablement admettre. Ces travailleurs sont particulièrement "suivis".
En ce qui concerne l'examen hématologique, sauf s'il s'agit de variations d'origine constitutionnelle, la mise en observation est décidée dès qu’il y a une variation minime des résultats par rapport aux valeurs de références de l’arrêté du 28/8/91.
La fréquence des examens est augmentée si les altérations chimiques ou biologiques le requièrent.
Si les signes s'accentuent, le médecin apprécie s'il y a lieu de placer l’intéressé en position de catégorie B, de l'exclure complètement de la zone contrôlée, voire de demander un arrêt de travail pur et simple (mesures de rattrapage). Le médecin décide de même de l’éventualité de la reprise du travail et de son moment.
II- LIMITES DES EXPOSITIONS SOUMISES A AUTORISATION SPECIALE
En dehors des limites réglementaires d'exposition ci-dessus, il existe des situations exceptionnelles redéfinies par :
- le décret n°2003-295 du 31 mars 2003 relatif aux interventions en situation d’urgence radiologique et cas d’exposition durable modifiant le code de la santé publique (cf. chapitre précédant).
- le décret n°2003-296 relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants.
Il s’agit d’expositions soumises à autorisation spéciale ( art. R 231-76 à 103) ne pouvant intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.
A- L’exposition exceptionnelle préalablement justifiées
A titre exceptionnel, certains travaux et opérations peuvent entraîner pour des raisons techniques des expositions pouvant dépasser les valeurs limites. Ces situations ne peuvent être confiées qu’aux travailleurs satisfaisant à l’ensemble des contraintes suivantes :
• le salarié doit appartenir à la catégorie A,
• Etre volontaire, informé des risques et appartenir à une liste préalablement établit à cet effet,
• Ne pas avoir reçu dans les 12 mois précédant une dose supérieure à l’une des limites annuelles
• L’avis du médecin du travail au préalable est indispensable pour rechercher une inaptitude médicale,
• L’exposition annuelle, en une ou plusieurs fois, ne doit pas dépasser le double des limites annuelles d’exposition,
• Le salarié doit disposer des moyens dosimétriques individuelles adaptés à la situation,
• Contre-indication de la femme enceinte et de l’apprenti de moins de 18 ans..
B – Les situations d’urgence radiologique
Au cours d’expositions professionnelles de personnes intervenant dans une situation d’urgence radiologique, un dépassement des niveaux de référence est admis exceptionnellement dans le cadre d’opération de secours visant à sauver des vies humaines. Les conditions requises pour les intervenant sont :
• Les intervenants doivent être informés des risques que comporte leur intervention et être volontaires,
• Les volontaires, ne présentant aucune cause d'inaptitude, sont inscrits sur une liste (contre-indication de la femme enceinte, allaitant et les moins de 18 ans).
• Elle peut dépasser les limites d'exposition concernée, mais, dans la mesure du possible, la limite supérieure est fixée à 100 mSv pendant la mission, 300 msv quand il s’agit d’intervenir pour de protéger des personnes dont la vie est en danger,
III - INCIDENTS ET ACCIDENTS
- Irradiation externe
• Enquête rapide du médecin du travail et de la personne compétente en radioprotection pour éliminer une cause d'erreur (sauf preuve formelle du contraire, l’équivalent de dose enregistré par le dosimètre individuel est considéré comme effectivement reçu par le porteur).
• Exclusion de la victime qui est inapte au travail en zone contrôlée.
• Décontamination de la peau par des savonnages répétés à l'eau tiède
• Envoi de la victime en milieu spécialisé (par ex. : Fondation Curie, Hôpital Percy).
• Information de l'employeur qui doit :
* faire une déclaration en double exemplaire à l'Inspection du Travail,
* organiser une enquête sur les circonstances de l'irradiation,
* mettre en œuvre les mesures nécessaires pour éviter toute récidive.
• Compte rendu des conclusions au service médical de l’IRSN.
- Contamination interne
• Traiter d'abord le problème médical ou chirurgical éventuellement associé
• La thérapeutique dépend du radioélément et du mode de contamination : prendre contact avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
Après toute irradiation interne ou externe intervenue de manière fortuite ou lors d’expositions exceptionnelles (cf. supra), le médecin du travail établit un bilan dosimétrique de cette exposition et un bilan de ses effets. Il pourra avoir recours si nécessaire à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.
IV – SURVEILLANCE POST-PROFESSIONNELLE
Toute personne qui a été exposé à des rayonnements ionisants peut demander si elle est inactive, demandeur d’emploi ou retraitée, à bénéficier d’une surveillance médicale post-professionnelle (prise ne charge par le fond d’action sanitaire et social qui est accordé sur production par l’intéressé de l’attestation d’exposition).
Le médecin du travail doit délivrer à l’intéressé l’attestation de l’exposition avec une estimation de la dose totale de RI reçu ainsi que la fiche d’exposition.