Dernière mise à jour le 08/02/2005

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I - Définition
Un accident d'exposition au sang ou AES se définit comme étant un accident survenant par contact avec du sang ou un liquide biologique contaminé par du sang et comportant une effraction cutanée (piqûre, coupure) ou une projection sur une muqueuse ou une peau lésée (plaie, eczéma, excoriation…).
Tout AES fait courir le risque de transmission des virus HIV, des hépatites B et C jusqu'à preuve du contraire. D'autres agents pathogènes transmissibles par voie sanguine sont également concernés : tuberculose, fièvres hémorragiques virales, paludisme, gonococcie, syphilis, leptospirose, streptococcie, staphylococcie…
II - Réglementation
- Loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 intégrée dans l'article L10 du Code de Santé Publique, relative aux vaccinations obligatoires en milieu de santé.
- Décret n° 94-352 du 4 mai 1994 relatif à la protection des travailleurs contre les risques résultant de leur exposition à des agents biologiques et modifiant le Code du Travail.
- Note d'information DGS/DH/DRT n° 81 du 25 septembre 1995 relative aux mesures de prévention de la transmission du VIH chez les professionnels de santé et la conduite à tenir en cas d'AES ou à un autre liquide biologique.
- Note DGS/DH/DRT n° 666 du 28 octobre 1996 relative à la conduite à tenir, pour la prophylaxie d'une contamination par le VIH, en cas d'exposition au sang ou à un autre liquide biologique chez les professionnels de santé.
- Circulaire DGS/DH/DRT n° 98-228 du 9 avril 1998 relative aux recommandations de mise en œuvre d'un traitement antirétroviral après exposition au risque de transmission du VIH.
- Circulaire DGS/DH n° 98-249 du 20 avril 1998 relative à la prévention de la transmission d'agents infectieux véhiculés par le sang ou les liquides biologiques lors des soins dans un établissement de santé.
- Circulaire n° 98/634 du 29 août 1998 portant modification à la circulaire DGS/DH/DRT n° 98/228 du 9 avril 1998 relative au protocole de diagnostic précoce d'une infection par le VHC.
- Arrêté du 26 avril 1999 fixant les nouvelles obligations d'immunisation des personnes visées à l'article
L10 du Code de Santé Publique, abrogeant l'arrêté du 6 février 1991.
III - Moyens de prévention
Le chef d'établissement a l'obligation d'évaluer les risques d'exposition biologique afin de prendre les mesures de prévention et de protection nécessaires. En concertation avec le médecin du travail et le CHSCT, il doit établir un programme de prévention et fournir à son personnel les moyens nécessaires à sa protection (immunisation, matériel de protection).
La prévention des AES répond à des règles universelles qui reposent sur les 2 notions suivantes :
- Tout liquide biologique est potentiellement contaminant ;
- Les mesures à appliquer sont les mêmes quel que soit le type de produit et quelle que soit son origine.
Ces règles consistent en particulier en une diffusion d'une information claire et objective faite au cours de la formation initiale et régulièrement renouvelée, ainsi qu'une éducation sanitaire :
- Information sur les modalités, les voies de contamination et les moyens de lutte contre la transmission lors de la manipulation de tout produit biologique ou toute activité à risque.
- Respect des règles d'hygiène : interdiction de boire, de manger dans les zones à risque, lavage et séchage soigneux des mains, port d'équipements de protection adapté selon les circonstances (gants, surblouse, masque, lunettes).
- Respect de consignes de sécurité : mesures universelles.
- Conduite à tenir en cas de contamination accidentelle.
A - Mesures universelles dans les services de soins
1- Ne pas recapuchonner les aiguilles.
2- Ne pas désadapter les aiguilles à la main.
3- Déposer immédiatement après usage les objets piquants ou tranchants dans des conteneurs adaptés.
4- Mettre des gants s'il y a risque de contact avec du sang ou des liquides biologiques, avec une surface ou du matériel souillé.
5- Le port de gants sera systématique en cas de lésion des mains, même minime.
6- Panser et couvrir toutes les plaies (surtout aux mains).
7- Porter une sur-blouse et/ou un masque étanche et/ou des lunettes, lorsque les soins ou les manipulations exposent à des projections de sang ou de liquide biologique (endoscopie, accouchement, stomatologie, aspiration…).
8- Se laver les mains avant et après chaque soin et après chaque acte technique : les désinfecter ensuite en cas de souillure avec du sang ou des produits biologiques.
9- Décontaminer les surfaces et les sols souillés par du sang ou des produits biologiques renversés ou projetés avec de l'eau de Javel à 12° chlorométrique au moyen d'un absorbant à usage unique.
10- Transporter tous les prélèvements de sang ou de liquide biologique dans des sacs plastiques jetables et/ou des récipients lavables et désinfectables ou à usage unique, hermétiquement clos ; les feuilles d'examens seront séparées des prélèvements.
B - Mesures universelles dans les laboratoires
1- Tous les prélèvements de tous les malades doivent être considérés comme étant "à risque" de transmission d'agent infectieux.
2- Porter systématiquement des gants pour manipuler tubes et récipients contenant du sang ou autres produits biologiques, à la réception, durant les manipulations et lors du lavage des matériels réutilisables.
3- Attendre quelques minutes après l'arrêt des centrifugeuses si le système n'est pas automatique.
4- Porter un masque et des lunettes lorsqu'il y a risque de projection de sang.
5- Utilisation de hottes à pression négative et d'enceintes de sécurité microbiologiques.
6- Interdiction de pipeter à la bouche.
IV- Conduite à tenir en cas d'AES
1- Premiers soins d'urgence
- Nettoyage immédiat de la zone cutanée lésée à l'eau et au savon puis rinçage.
- Désinfection à l'alcool à 70° pendant 3 minutes ou polyvidone iodée (Bétadine®) en solution dermique pure pendant 5 minutes ou à l'eau de Javel à 12° chlorométrique diluée à 1/10ème pendant 10 minutes.
- Projection sur les muqueuses et les yeux :
- rincer abondamment à l'eau ou au sérum physiologique
- Contact direct du liquide biologique sur peau lésée :
- Nettoyage de la zone atteinte avec de l'eau et du savon puis rinçage
- Désinfection
2- Déclarer l'accident de travail dans les 24 heures
3- Contacter rapidement le médecin du travail ou un médecin référent identifié de préférence dans l'heure qui suit l'accident.
- Afin d'évaluer le risque infectieux : infection VIH, hépatites B et C, autres infections.
- Afin d'être informé des mesures à prendre : prophylaxie éventuelle et suivi sérologique.
4- Dans tous les cas, analyser les circonstances de l'accident avec le médecin du travail afin d'éviter qu'il ne se reproduise.
V- Conduite à tenir en fonction du germe
A- VIH
Le risque de transmission virale après AES par piqûre ou coupure est évalué à 0,32 %, le risque de contamination en cas de contact muqueux ou sur une peau lésée est de 0,04 %.
1- Prophylaxie
Une évaluation immédiate des risques infectieux doit être réalisée soit par le médecin du travail, soit par un "médecin référent pour la prophylaxie" (médecin volontaire formé appartenant le plus souvent à un service hospitalier ayant l'habitude de prendre en charge des patients infectés par le VIH). Ce médecin référent est chargé d'apprécier l'importance du risque en fonction du type de l'accident, de la profondeur de la blessure, du type du matériel incriminé (aiguille creuse par exemple). A la suite de cet examen, il prescrit une prophylaxie anti-VIH. Le schéma thérapeutique préconisé est au moins une bithérapie par zidovudine (AZT) et lamivudine (3TC) éventuellement associée à un inhibiteur de protéase, l'indinavir, dans certains cas de risque de transmission élevé.
La prophylaxie est discutée au cas par cas :
-
Si le patient source est séropositif pour le VIH, les indications sont fonction de la gravité de l'accident et du stade de la maladie.
-
Si le statut VIH du patient source est inconnu, outre la gravité de l'accident, la prophylaxie ne sera discutée qu'en présence d'une symptomatologie clinique ou biologique compatible avec une primo-infection VIH, soit avec un déficit immunitaire sévère ainsi que sur des arguments épidémiologiques.
Pour avoir les meilleurs chances d'efficacité, le traitement doit être débuté rapidement après l'accident, si possible dans les 4 heures, la durée totale étant de 4 semaines.
Le cas de la femme enceinte doit être évalué individuellement.
2- Suivi sérologique
Il est systématiquement réalisé si l'évaluation des risques infectieux a identifié un risque de contamination ou si ce risque est impossible à déterminer.
Ce suivi est effectué en fonction du statut du patient source :
- Patient source séronégatif pour le VIH : en l'absence d'argument pour une séroconversion en cours, pas de surveillance sérologique, sauf si l'accidenté le souhaite.
- Patient source séropositif ou de statut inconnu : recherche d'Ac anti-VIH au plus tard au 8ème jour, puis au 3ème et au 6ème mois. Ce calendrier doit être impérativement respecté afin d'obtenir une réparation au titre des accidents de travail en cas de séroconversion professionnelle ultérieure. Une consultation supplémentaire à 6 semaines en cas d'exposition à risque élevé est également préconisée avec une sérologie VIH complétée d'une recherche de l'antigène P24.
3- Réparation
- Pour les salariés relevant du régime général de la Sécurité Sociale, l'infection est reconnue comme complication d'un accident de travail, sous réserve que l'accident soit déclaré selon les modalités légales (suivi sérologique adapté) et dans un contexte bien défini.
- Pour les fonctionnaires des établissements hospitaliers publics civils, le mode de réparation se base sur la reconnaissance au titre de la complication d'un accident de travail si la déclaration de l'accident a été correctement effectuée (registre des accidents bénins ou déclaration d'accident de travail).
- Pour les professionnels libéraux, 2 possibilités existent : l'assurance volontaire "accident de travail - maladie professionnelle" ou le recours à une assurance privée.
B- Hépatite B
Le risque de transmission virale après AES par piqûre ou coupure est évalué à 30% (2 à 40% selon les études), le risque après contact muqueux ou sur peau lésée n'est pas quantifié.
1- Prophylaxie
Le schéma vaccinal recommandé comporte 3 injections initiales à 0, 1 et 6 mois. Le seuil d'Ac antiHBs (IgG) considéré comme protecteur est de 10 mUI/ml. Pour les personnels assujettis à l'obligation vaccinale, la conduite à tenir doit être modulée en fonction de l'âge de la primo-vaccination :
- Avant l'âge de 25 ans par un schéma en 3 ou 4 doses, aucun rappel n'est à prévoir ;
- Après l'âge de 25 ans et quel que soit le nombre d'injections reçues, si l'on ne dispose pas de résultats d'un dosage des Ac antiHBs montrant une valeur supérieure à 10 mUI/ml, le rappel prévu à 5 ans doit être effectué, suivi d'un contrôle sérologique 1 ou 2 mois après. Si le taux d'Ac antiHBs est supérieur ou égal à 10 mUI/ml, aucun rappel n'est à prévoir. Si le taux est inférieur, le médecin du travail procède à l'évaluation de l'opportunité de doses additionnelles sans excéder un nombre de 6 injections au total (y compris les 3 injections de la première série vaccinale).
- En cas d'AES, il est nécessaire de pratiquer un dosage de l'anticorps (Ac) antiHBs, sauf si on dispose d'une sérologie relativement récente (entre 1 et 2 ans).
En fonction du statut vaccinal de l'accidenté, on peut proposer la conduite à tenir suivante :
- Victime vaccinée et correctement protégée (taux d'Ac antiHBs > 10) : pas de surveillance sérologique ni de prophylaxie quel que soit le statut du patient source.
- Victime vaccinée et non protégée (taux d'Ac antiHBs < 10) ou non vaccinée ou de statut sérologique inconnu :
- Si le patient source est Ag HBs positif : en fonction de l'évaluation du risque de contamination, il est possible de proposer une prophylaxie par injection d'immunoglobulines spécifiques anti VHB, associées à une injection vaccinale dans un autre site, dans les 48 heures après l'accident ;
- Si le patient source est inconnu ou de statut inconnu dans les 48 heures : l'évaluation prend ici encore plus d'importance afin de discuter les immunoglobulines si l'accident est sévère et/ou si le contexte épidémiologique est évocateur, associées à l'injection vaccinale ;
- Si le patient source est Ag HBs négatif : c'est l'occasion d'effectuer un rappel anticipé ou de débuter une vaccination.
2 - Suivi sérologique
La surveillance n'a donc ici pour objectif que la détection précoce d'une infection par le VHB, afin d'assurer le suivi de la personne accidentée et de l'informer du risque de transmission à son entourage et des précautions à prendre. Elle comporte le dosage des transaminases, de l'Ag HBs et de l'Ac antiHBc (IgM) précocément après l'accident, à 3 mois et à 6 mois.
3 - Réparation
L'hépatite B est réparée par le tableau n° 45 du régime général de la Sécurité Sociale (n° 33 du régime agricole) et aucune surveillance n'est indispensable à la réparation sauf pour des travaux non inscrits au tableau.
C- Hépatite C
Le risque de transmission virale après AES par piqûre ou coupure est évalué à 3%, le risque en cas de contact muqueux ou sur une peau lésée n'est pas quantifié.
1-Prophylaxie
Pas de vaccin disponible.
2- Suivi sérologique
La surveillance sérologique ne fait pas l'objet de recommandations officielles et ne peut être exigée pour obtenir une réparation médico-légale.
- Si le statut du patient source est inconnu : dosage des transaminases et suivi des Ac anti-VHC initialement, puis aux 3ème et 6ème mois après l'exposition, un contrôle des transaminases tous les 15 jours pendant 3 mois est possible en cas de risque élevé, toute élévation des transaminases justifie une PCR ;
- Si le patient source est VHC positif, l'utilisation de la PCR ARN est indiquée précocément.
3- Réparation
L'hépatite C est assimilée à une hépatite non A - non B et est réparée au titre du tableau n° 45 du régime général de la Sécurité Sociale, sauf pour des travaux non inscrits au tableau pour lesquels la mise en évidence d'une séroconversion permettra la reconnaissance au titre de complication d'accident de travail. Sa prise en charge dans les régimes spéciaux (fonctions publiques) est plus difficile, la victime devant apporter la preuve que la maladie a été contractée en service.
D- Autres
D'autres agents biologiques peuvent être incriminés et réparés selon le système des tableaux de maladie professionnelle, en particulier :
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